Foule sentimentale

Du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas.
Napoléon Ier

 

Papa Reune ne fait pas que rédiger des articles érudits sur la face sombre de la WWE. Il lui arrive aussi d’enfiler un beau t-shirt à l’effigie de Macho Man, un masque de Rey Mysterio et un pantalon de Zack Ryder pour aller discrètement observer les catcheurs lors de leur passage au pays de «La Résistance».

 

 


Ca y est, on a trouvé la nouvelle effigie pour le buste de Marianne.

 

 

Review du House Show ECW/Smackdown du 26 septembre 2009, Paris, Bercy


Du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas.
Napoléon Ier

 

Papa Reune ne fait pas que rédiger des articles érudits sur la face sombre de la WWE. Il lui arrive aussi d’enfiler un beau t-shirt à l’effigie de Macho Man, un masque de Rey Mysterio et un pantalon de Zack Ryder pour aller discrètement observer les catcheurs lors de leur passage au pays de «La Résistance».

 

 


Ca y est, on a trouvé la nouvelle effigie pour le buste de Marianne.

 

 

Review du House Show ECW/Smackdown du 26 septembre 2009, Paris, Bercy

 

La venue de la WWE dans l’Hexagone constitue désormais un mini-évènement qui commence à attirer une petite foule de «pipoles», quelques footeux (dont Gregory Coupet) et quelques journalistes (en particulier la Presse Quotidienne Régionale et les journaux populaires) qui n’hésitent plus à parler de l’Undertaker comme «le mort-vivant le plus célèbre de l’humanité, juste derrière le Michael Jackson», formule quelque peu étrange de France-Soir… L’élite culturelle (Télérama, les Inrocks…), quant à elle, regarde avec mépris ce spectacle qu’elle considère vulgaire et dévoré par le marketing. Mais nous, nous savons qu’il n’en est rien!

 

 


En vérité, la WWE est là pour promouvoir l’amour de la lecture.

 

 

5e show de la WWE pour moi… Anotre arrivée à Bercy, avec le frangin Jacquot, de jeunes exploités nous tendent des flyers pour ZZ Top et Lynyrd Skynyrd, des cartes Slam Attack (qui font un tabac dans les cours de recré) et des pubs pour les shows TNA (dédicace à Tsuru) ou American Wrestling Rampage. Le temps de récupérer nos duplicatas de billets et nous voilà dans Bercy après une petite fouille (bande de pervers).

 

 


Les spectateurs pédophiles ont donc dû déposer à l’entrée leurs menottes, leurs baillons et leurs sachets de GHB.

 

 

Dès l’entrée dans le Palais Omnisports, nous sommes hélés par les vendeurs du programme officiel et nous constatons que, déjà, les stands de merchandising sont pris d’assaut par des fans qui dépensent sans compter, les t-shirts se vendant à 30 euros minimum… Le nouveau fan de catch est une cible comme les autres qui, tel un visiteur de la JapanExpo, n’hésite pas à dépenser 300 euros dans sa soirée pour pouvoir vivre son rêve.

 

 


Lâchez-moi putain! Puisque je vous dis que je ne suis pas Jean-Pierre Treiber!

 

 

Pas de placeuse cette fois-ci et nous trouvons par nos propres moyens nos places en ringside (carré or, un peu en hauteur)… Un petit mot sur le public: il est assurément populaire, entre le pilier de bar à fléchettes, le fan d’Iron Maiden à la coupe mulet, le geek introverti digne d’un film de Judd Apatow, les enfants ventripotents accompagnés de leurs parents blasés et les jeunes filles rondes au tatouage «Batista»… Il y a tout pour déplaire à un journaliste moyen de Libé qui qualifierait sans nul doute ce public de «beaufs gras et incultes». Et encore, il n’a pas vu les sosies déguisés de l’Undertaker, Goldust et Jeff Hardy.

 

 


Super! Merci Matt! Dès que je rentre, je me coupe le bras et je le revends au moins 150 euros sur ebay!

 

 

Loin des «étranges lucarnes» chères au Général de Gaulle, la réalité de la lutte vous saisit à chaque house-show. Je veux dire que l’on se rend bien compte que le catch est un spectacle itinérant assez proche du cirque et de la fête foraine où chaque poste est rationalisé au maximum: les arbitres montent le ring, le nettoient et le préparent à la venue des superstars (en l’occurrence, j’ai cru reconnaître Jack Doan)… Il en résulte un parfum de désœuvrement, et parfois même de ridicule lorsque l’on observe le théâtre des opérations.

 

J’aperçois une blonde en minijupe et en talons aiguilles avec quelques « méchus » en costume cintrés goguenards, c’est une équipe de télévision….

 

20h32, les catcheurs de la WWE ont pris un peu de retard. Contrairement à l’an dernier, les spectateurs n’applaudissent ni ne huent les publicités.
20h34, une annonce vocale nous rappelle de ne pas reproduire les mouvements des lutteurs chez nous. Mince alors, moi qui fais un you can’t see me chaque fois que je me brosse les dents! La musique pétaradante du générique de Smackdown est lancée, ainsi qu’un jeu de lumières assez cheap. Justin Roberts (dont c’est le dernier soir à Smackdown) fait son apparition et nous lance un sublime «Boooosoare Parisse!» avant d’annoncer le premier combat de la soirée.

 

Drew Mc Intyre vs Finlay
A la musique d’entrée de Mc Intyre, de nombreux fans de précipitent vers les barrières au grand dam des spectateurs en ringside diamant… cependant peu réagissent vocalement à l’arrivée de l’Ecossais. Je vocifère de mon côté un superbe « Come on Scotland » pour célébrer l’amitié multiséculaire entre la France et l’Ecosse. Le nioub est opposé à un autre lutteur britannique, qui obtient très vite une ovation de la foule : Fit Finlay.
Le nouveau venu endosse sans grand mal le costume de « heel » face à un Finlay qui connait le métier. Mc Intyre a un physique parfait et rappelle sans nul doute Hunter Hearst Hemlsey à ses débuts. Les coups sont bien portés, avec pas mal de prises au sol. Finlay réussit tout même à en enfumer Mc Intyre à l’extérieur avec le tapis du ring. Toutefois, l’écossais domine les trois quarts du combat jusqu’à ce que le vétéran se réveille, encouragé par la foule, et lui porte un Rolling Fireman’s Carry Slam puis un Celtic Cross pour la victoire finale, que Finlay célèbre avec un drapeau français. Ouf, le malentendu Joyce/Proust est résolu. Quant à Drew Mc Intyre, si les petits cochons ne le mangent pas, il a un bel avenir de heel devant lui.

 

 


Tiens, tu seras gentil de passer cet échantillon de grippe A à Hornswoggle.

 

 

Michelle McCool & Layla vs Melina & Eve Torres
On enchaîne tout de suite et sans temps mort avec le match des divas. Evidemment, les kidz se font bousculer par les adolescents près des barrières… Mélina obtient une grosse réaction (j’ai pas fait de faute de frappe là, ça va, les lettres sont dans le bon ordre?) de la foule. Il faut dire que la plastique de ces lutteuses est agréable (en particulier celle d’Eve Torres, moulée dans un short argenté). Je suis également impressionné par la maigreur de Michelle Mc Cool par rapport aux autres divas, ce qui ne l’empêche pas d’être la fille la plus précise et la plus stiff durant le combat. D’un point de vue catchesque, la fiancée du Taker est un cran au dessus des autres. Surprise pour la fin du match: c’est Eve qui rive les épaules de Layla après quelques galipettes. Bon heel heat pour Mc Cool suite à son attaque sur Mélina post-match.

 

 


Eve Torres vous présente la version américaine du string ficelle.

 

 

Dolph Ziggler vs Jimmy Wang Yang
Dolph Ziggler joue les heels à merveille dès son entrée. On sent tout de même un peu de déception du public à l’arrivée de Jimmy Wang Yang (qui a peu de temps d’antenne à la télé)… Jadis, on encourageait les jobbers, mais le fan moderne n’aime que les gagnants. J’essaie tout même un «hi-ha, let’ go Jimmy» en l’honneur de l’ancien membre de la ROH et de l’AJPW, mais sans succès. En vérité, le public a plus hué Ziggler — avec le désormais célèbre «Mr. Ziggles» lancé du premier rang de la foule (ce qui fera enrager Ziggler, qui finira par prendre le micro pour nous signifier la méprise sur son patronyme) — que soutenu ce pauvre Jimmy, dont le travail sur le ring fut pourtant admirable (avec notamment un mémorable chassé à la pointe du menton de Ziggler). L’ex-Akio finit par succomber au Zig-Zag du fiancé de Maria (où était-elle d’ailleurs celle-là? Bizarre, personne n’a vu Arthemiz Gordon ce soir-là non plus, enfin I’m just sayin’).

 

 


Mais ouais, grave!

 

 

Intercontinental Championship: John Morrison vs Kane
Belle ovation pour le Guru of Greatness de la part des plus jeunes… les plus vieux et les plus goths tenteront de faire entendre leur voix à la venue de Kane, toujours aussi impressionnant malgré sa bedaine à la Matt Hardy.
Priscilla folle du désert va enchainer les moves (Corkscrew Plancha Suicida, coup de pied derrière la tête) avec un naturel déconcertant. Le Big Red Monster sait vraiment mettre over ses adversaires, c’est ce qu’il préfère. Le public français est à 75% derrière Morrison (rebaptisé Mauricette par certains fans) et seuls quelques irréductibles 25% restent fidèles au culte de Kane.
La fin du match nous donne l’occasion de voir Dolph Ziggler intervenir maladroitement puisqu’il se prend un big boot de Kane en pleine poire. Morrison n’a plus qu’à exécuter son Starship Pain sur les hourras de la foule pour le compte de 3.

 

 


Tu m’étonnes, t’as vu le nombre de touristes qu’il ramène au Père Lachaise?

 

 

C’est l’heure de l’entracte!!! Une foule immense se dirige vers des buvettes aux tarifs prohibitifs. Mon frère et moi-même préférons nous avachir sur nos sièges pendant cette pause… Bonne idée, puisque dix minutes plus tard, et pour la première fois, Christophe Agius et Philippe Chéreau (les commentateurs français) sont introduits par Justin Roberts.
C’est à ce moment-là que les journalistes télé font tourner leurs diaboliques machines: devant un public un peu amorphe, qui n’arrive pas à reprendre les «catchphrases» de nos commentateurs («Simplement dix…»), Agius et Chéreau délivrent un message de prévention aux enfants mais aussi aux nombreux parents présents dans la salle sur la dangerosité d’imiter les stars surentrainées de la WWE (sans que l’on sache le bilan exact des accidents en France, même si certaines écoles primaires commencent à interdire toute référence au catch, en particulier en Loire-Atlantique).
Après ce bref intermède francophone qui n’a pas transporté les foules, Justin Roberts nous revient pour lancer une distribution de tshirts, mais sans les divas, hélas.

 

 


Ce fan est dépité car il n’a pas pu récupérer de tshirt et doit donc rester torse poil comme un clodo.

 

 

ECW Championship Match: Christian vs William Regal
La foule réagit très négativement à l’arrivée de l’émissaire de la perfide Albion. Mon frère, en grand fan du technicien de Blackpool, se rend près de l’allée afin de hurler un «let’s go Regal» tonitruant. Il récoltera avec un geste de mépris magnifique de l’Anglais (« Chut…. »).
Le champion de la ECW Christian a droit une belle réaction de Bercy (peut-être que certains ont vu en lui un substitut à l’absence d’Edge). Très vite, le savoir-faire de Christian est à l’œuvre pour faire réagir la foule (levée de ceinture et quolibets pour Regal… avec une alternance de «hou» et de «ha» comme dans un numéro de cirque bien rôdé).
Le match nous donne le loisir de voir deux des meilleurs techniciens actuels avec une série de prises au sol. C’est alors que l’on assiste au véritable bump de la soirée, avec un chassé de Christian sous la première corde sur Regal, debout à l’extérieur et qui finit par s’écrouler sur les barrières de sécurité et dans le premier rang, à la surprise générale! Un (petit) ange passe et Regal fait mine de s’énerver (ce qui fait peur à la sécurité de Bercy). L’expérience des deux lutteurs permettent d’effacer vite cet incident, même si l’on sent Regal perturbé et marqué dans le dos par sa chute.
Christian finit par éviter un commotion kick de Regal et nous livre un Killswitch un peu bâclé pour la victoire, à la grande joie des spectateurs que le Canadien continuera de saluer d’un geste de la main ou d’un clin d’œil jusque derrière l’entrée des lutteurs. Probablement le meilleur match de la soirée.

 

 


Ceci n’est pas une peep.

 

 

Ezekiel Jackson vs Goldust
Tel le Roi Heenok, je descends provoquer le gros Ezekiel avec un «Pose tes couilles, jeune pédé» du plus bel aloi… mais à mon grand dam, le Mr.T du Bronx me snobbe.
Le public réagit très peu à l’arrivée de Goldust. En fait, l’ambiance retombe lourdement avec ce combat mal booké et tout en puissance. Jackson est impressionnant mais possède un moveset inférieur à celui de Batista. Victoire logique pour l’ancien garde du corps de Kendrick avec un Rock Bottom qui finit par le rendre sympathique auprès la foule (une foule nietzschéenne qui n’aime pas les faibles puisque Goldust partira sous les huées).

 

 


Par contre, il fera un tabac chez Michou ce même soir.

 

 

Main Event: Big Show & Jericho & CM Punk vs Matt Hardy & Batista & Undertaker
Le main-event, enfin! CM Punk n’est pas totalement hué et possède quelques fans solides malgré l’outrage fait au drapeau français pris à un spectateur. Il en va de même pour Jerishow qui peuvent compter sur les spectateurs «smarts» et «dirty» pour casser le consensus des kidz avec des chants «Y2J» ou «Fozzy».
Il n’en reste pas moins que c’est la folie qui prédomine à l’arrivée de Matt Hardy (j’entends encore cette fan adolescente, «mais je trouve qu’on lui pardonne trop facilement à Matt après ce qu’il a fait à son frère»), puis l’hystérie à la venue de Batista (extrêmement populaire chez nous) et de l’Undertaker. Le deadman est impressionnant de maitrise et semble en transe dès son arrivée avec un regard fixe. Mark Calloway n’existe plus pour laisser placer à la légende Undertaker (cela dit, peut-être qu’il est vraiment comme ça tout le temps, auquel ça doit être moyennement fun les repas familiaux). Je note tout de même sa difficulté pour marcher suite à son opération de la hanche, ce qui ne l’empêchera pas de sortir le grand jeu une fois entre les cordes.
Le combat nous permet d’observer tout le potentiel comique du trio heel, avec un trinquage de ceintures devant la foule de Bercy, mais également un massage de CM Punk sur Jericho ou encore Jericho qui se réfugie dans les jupes de Big Show (qui est au passage phénoménal de puissance) et divers actes de tricherie durant le déroulement du match.
Afin de les ménager, c’est CM Punk et Taker qui passent le moins de temps sur le ring (même si nous avons eu droit à un old-school du Phenom). Le combat dans l’ensemble est un peu brouillon, avec plusieurs erreurs de Batista qui se contente d’asséner quelques spinebusters. Qui a dit «comme toujours»?
On s’emmêle un peu les pinceaux à la fin du match (avec un codebreaker de Jericho sans grand impact) et le Taker finit par porter son tombstone piledriver sur CM Punk pour le plus grand bonheur de Bercy. Les deux autres gagnants du jour s’effacent pour laisser la légende vivante de la WWE célébrer sa victoire (même si certains n’ont pas compris l’autre célébration du deadman près de la sortie… soit la célébration du biker avec le poing levé).
Batista saluera à son tour la foule en tapant dans les mains tout comme Matt Hardy qui ne boudera pas son plaisir parisien (comme en témoigne son twitter).
La salle de Bercy se vide peu à peu et les fans irréductibles se pressent près des autobus sous surveillance policière (la WWE a-t-elle si peu confiance dans la sécurité de Bercy pour réclamer les renforts de la police nationale ?)
Un petit aparté sur les services de sécurité en général: tout au long de la soirée le service sécurité de Bercy tout comme celui de la WWE (des free-fighters) ont eu l’air sur les dents… ne sachant pas comment faire pour repousser cette jeune foule avide de toucher leurs idoles.

 

 


La preuve que la France a toujours cinq ans de retard sur les États-Unis.

 

 

En guise de conclusion provisoire
Cette 5e fois avec la WWE n’avait bien sûr pas le charme de la première… on notera tout de même que le phénomène catch en France s’apparente de plus en plus à un effet de mode car nombreux sont les enfants qui ne connaissaient pas les autres lutteurs en dehors des têtes d’affiche. C’est ce qu’on pourrait appeler la star-académisation du catch, avec des processus d’identification faciles pour nos chères têtes blondes qui ne soupçonnent pas la quantité de travail nécessaire pour devenir lutteur — comme si, par un instantané magique, les plus jeunes pouvaient se transformer en quelques secondes en superstars de la WWE.
Nos kidz rêvent de devenir Batista comme d’autres Cristiano Ronaldo et constituent à coup sûr le cœur de cible actuel de la WWE en France (il suffit de voir le nombre de produits dérivés en supermarché pour la rentrée).
Cette kidz-era agace les fans plus âgés mais force est de constater que le catch a toujours été en France un spectacle populaire et trans-générationnel. Non ce qui a changé c’est le profil de l’amateur de catch, qui est devenu entretemps plus un homme (ou enfant)-sandwich qu’un véritable spectateur.
L’ironie de l’histoire, c’est que l’incapacité viscérale des intellectuels à comprendre de l’intérieur une passion populaire (avec ce que celle-ci comporte par nature, d’excès toujours possibles et de théâtralité toujours nécessaire) est précisément ce qui leur interdit de critiquer les dérives du catch contemporain (cadences infernales, absence de syndicats, le dopage et ses séquelles). Et sur cette réflexion je vous laisse, j’enfile ma panoplie complète de Goldust et je sors faire peur aux passants.

 

 


Ah oui McOcee, je t’ai gratté un autographe aussi! Heureuse? (par contre si vous pouvez m’effacer de la photo, ça m’arrangerait)

 

 


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