Plaidoyer pour les Faces

La sagesse et la bonté semblent viles à ceux qui ont l’âme vile.
Shakespeare, Le Roi Lear

 

Salut à vous, catcheurs de tous pays! Aussi improbable que cela puisse paraître, j’ai décidé de faire un petit point sur la Face-itude (j’espère que vous me pardonnerez ce jeu de mots royal). Mon propos est dans un premier temps de disserter un peu sur ce qu’est un Face. Puis je vous donnerai quelques exemples marquants qui illustreront ma définition. Enfin, je l’espère, je mettrai un peu de doute dans tous les esprits qui critiquent les Faces par principe et portent les Heels aux nues en permanence, en essayant d’expliquer ce réflexe.

 

 


La voilà, l’explication : on n’est fan des Heels que par esprit de contradiction.

 

 

Épître aux Face-haters


La sagesse et la bonté semblent viles à ceux qui ont l’âme vile.
Shakespeare, Le Roi Lear

 

Salut à vous, catcheurs de tous pays! Aussi improbable que cela puisse paraître, j’ai décidé de faire un petit point sur la Face-itude (j’espère que vous me pardonnerez ce jeu de mots royal). Mon propos est dans un premier temps de disserter un peu sur ce qu’est un Face. Puis je vous donnerai quelques exemples marquants qui illustreront ma définition. Enfin, je l’espère, je mettrai un peu de doute dans tous les esprits qui critiquent les Faces par principe et portent les Heels aux nues en permanence, en essayant d’expliquer ce réflexe.

 

 


La voilà, l’explication : on n’est fan des Heels que par esprit de contradiction.

 

 

Épître aux Face-haters

 

Pour commencer, qu’est ce qu’un Face? Trivialement, la réponse paraît simple: c’est un gentil, celui qui s’oppose au méchant Heel. En y regardant bien, on voit que le caractériser n’est pas si évident. On se rend d’ailleurs vite compte qu’un Face existe surtout en s’opposant au Heel qui le défie. Le seul petit avantage du bon repose sur le fait que l’entrée d’un catcheur, quel qu’il soit, est quelque chose d’impressionnant: on a ainsi en premier lieu envie d’applaudir. Mais passé ce premier cap, jouer le rôle du gentil s’avère compliqué. Une attitude de Face ne peut pas s’exprimer sans construction, contrairement à celle du Heel. Ce dernier va s’appuyer sur des ficelles basiques pour se faire haïr: regards méprisants, attitudes détestables, actes négatifs. Bref, rien de plus simple qu’être mauvais: un Heel peut s’imposer en quelques actions simples. A ce propos, je me contenterai de citer la construction autour de Drew McIntyre récemment. Quelques minutes ont suffi à le classer du côté obscur: il a cassé la gueule de R-Truth en interrompant son entrée, et à envoyé quelques phrases bien senties avec une attitude de défi, le tour était joué. Le Face va se construire beaucoup plus dans la durée, il peut difficilement le faire autrement qu’en montrant sa valeur et son intégrité contre un ennemi qui devra être le plus Heel possible. Aucun raccourci pour lui.

 

 


– N’est-ce pas fascinant, John? Nous sommes, toi et moi, les deux faces (haha, quel calembour, je suis le meilleur au monde pour les calembours) d’une même médaille, nous nous complétons comme le yin et le yang, comme le jour et la nuit, comme le feu et la glace…
– Heu, t’es pédé ou quoi?

 

 

Sur la durée, le Face s’oppose encore et toujours à son ennemi héréditaire à tous niveaux. Ainsi, là où un bon méchant va essayer de se renouveler le plus possible, créant de nouvelles situations et sortant sans arrêt d’un cadre prédéfini, notre bon gars va faire tout le contraire. Il va répéter sans cesse les mêmes schémas pour faire naître un carcan autour de sa personne et de son attitude. C’est le moyen le plus évident d’accrocher le public, de lui permettre de s’identifier. Cela va passer par des couleurs qui reviennent, un style vestimentaire identifiable et récurrent, une entrée répétée des milliers de fois, des attitudes codifiées. Et même dans le ring, le moveset doit être le plus basique possible, le fin du fin étant de créer une séquence établie que la foule identifiera tout de suite et à laquelle elle s’attachera (oui, comme un bodybuilder qui tend haut dans le ciel une main ouverte, ou un ex-taulard qui étend les bras sur les côtés pour palper un argent imaginaire).

 

 


Pour certains catcheurs, la séquence immédiatement identifiable est choisie parce que c’est le seul geste qu’ils sont capables de réaliser.

 

 

Pour finir, le booking achève d’aller dans ce sens: les Heels ont toute une panoplie pour sortir d’une bataille, incluant la triche et toute manière originale, illégale ou immorale de l’emporter. Le Face de son côté n’a rien de tout ça. Pour compenser, il est booké plus fort que le Heel de même niveau. Il sera plus résistant, aura de meilleurs coups, tapera plus fort et son finisher aura un impact plus grand (assez logique vu qu’il n’utilise que celui là en même temps…). Sans cet avantage, la créativité déployée autour du Heel dépasserait toujours le héros qui ne pourrait jamais l’emporter.
On s’aperçoit donc que notre Face se définit surtout comme l’opposé du Heel avant toute chose. Il est moral, très fort et le plus simple possible pour accrocher la foule. Il sort le moins possible de son rôle, sa marge étant très faible et ses discours se limitant le plus souvent à mettre en avant ses qualités mentales (« I will not quit! ») et éthiques.

 

 


– Rhaaa… Nique-toi Orton, I will not quit!
– Tant mieux, je commence à peine à m’amuser.

 

 

L’exemple le plus évident est naturellement le Face ultime, celui que tout le monde connaît, l’icône absolue du catch: Hulk Hogan. Son développement a été basique, mais il est celui qui a mené le catch à un succès planétaire. Bien sûr je parle ici du Hogan invincible de la WWF, et pas du Hollywood Hogan de la WCW. On retrouvé chez lui tous les « symptômes » du Face idéal. Pour commencer, au niveau vestimentaire, il y a une récurrence évidente, à débarquer toujours avec du rouge et du jaune, et un t-shirt moulant qui va fatalement finir déchiré. Son comportement in ring est dans toutes les mémoires: que ce soit cette main en coupole autour de l’oreille pour faire hurler le public, cette attitude de possédé quand il revient dans le match après que le Heel ait placé tout son moveset et un petit peu plus, ou encore le légendaire arrachage de t-shirt avant de passer à l’action. Pour finir, son moveset est ultra limité (punch, punch, punch, clotheline, atomic leg drop… vous venez de voir 80% des combats d’Hogan) et la foule sait exactement ce qu’il va faire dès qu’il se lance. Inutile de préciser que ses discours sont enflammés et se résument à « Hulkamania bla bla bla tous les niquer je suis le plus fort ».

 

 


Hulkamania bla bla bla tous les niquer je suis le plus fort, brother.

 

 

Autre exemple évident, John Cena le Marine. On pourrait disserter longuement de la justesse de vouloir créer un nouveau Hogan avec les mêmes ficelles vingt ans après ; je me contenterai seulement d’énoncer les évidences. Si Cena change de vêtements tout en conservant le même look, c’est probablement surtout pour des motifs économiques. Mais il garde suffisamment longtemps les mêmes t-shirts pour être parfaitement identifiable, et ses brassards (dont celui monté au niveau du biceps) sont récurrents. La casquette et le pantacourt complètent la panoplie. Son entrée de ring est plus qu’usée, mais tellement efficace, et son comportement in ring manque d’imagination. Son plus grand succès est d’ailleurs le « u can’t see me », qui a largement débordé du monde du catch. On le retrouve dans le monde du sport et du spectacle, sans parler des cours d’école. Ses speechs sont également assez basiques: « je n’abandonnerai pas », « tu seras chanceux si tu ressors en un seul morceau », « le champion est là! ». Par rapport à Hogan, il y a une adaptation à l’époque par une variété un peu plus grande à tous les niveaux (vestimentaire, in ring, micro) ; néanmoins on reste sur les mêmes bases.

 

 


Dites vos vitamines! Soyez vos prières! Mangez un vrai américain!

 

 

Il y a bien sûr des exemples de réussite un peu plus originaux. Jeff Hardy, par exemple, a construit son succès sur son style casse-cou. Plus que sa gimmick réelle, c’est son enthousiasme et son attitude qui lui ont permis de devenir un babyface. Néanmoins, la condition de héros l’a rattrapé. Une fois le succès commercial de ses brassières et de son pendentif ancré, il a été très difficile d’y couper. Sa Swanton était devenue tellement symptomatique de son style qu’il devait en caser une à trois sur chaque match. Et au micro, son statut de Face l’a complètement enfermé. Même si l’idée du carpe diem collait assez bien à son personnage, notoriété oblige, il n’a jamais pu faire autre chose que sous-entendre sa position réelle.

 

 


Et n’oubliez pas, les kidz, le plus important, c’est d’avoir l’esprit libre, comme Lucy dans le ciel avec des diamants, voyez?

 

 

Autre type de Face : les vieux catcheurs, qui seront de toute façon applaudis quoi qu’ils fassent. Chris Jericho avait très bien expliqué le concept: arrivés à un certain niveau, ces lutteurs ont une telle aura qu’ils ne peuvent être que du côté clair de la force. Même s’ils enchaînaient les vacheries, le public les soutiendrait certainement et mettrait à mal le statut de leurs adversaires, donc autant les laisser Face. Dans cette catégorie, on retrouve naturellement l’Undertaker, Shawn Michaels ou encore Triple H. Ce statut donne un peu plus de liberté, encore que celle-ci est toute relative. En effet, on les voit un peu moins contraints par le marketing au niveau vestimentaire, et leurs movesets sont un soupçon moins répétitifs (par exemple, le Taker ne place pas un tombstone à chaque match). Il n’en reste pas moins qu’ils sont attendus sur des points récurrents.

 

 


– Orton, je vais t’arracher les deux…
[rugissement du public] – SUCK IT!!!

 

 

Tout cela nous amène à une conclusion évidente: la Face-itude se traduit par une grosse monotonie. En effet, son objectif principal est d’être fédératrice du plus grand nombre. Ce qui implique en premier lieu de toucher la masse. Le supporter de catch moyen correspond probablement plutôt à un mark qui suit le catch occasionnellement, avec une mémoire assez courte. Pour éviter de le perdre, d’une part on va rester basique dans ce qu’on présente au spectateur, et d’autre part on va rabâcher la même chose en permanence: moveset limité incluant un « spécial » placé à chaque match, look identifiable et commercialisable, discours récurrent simpliste à l’extrême. Le hic dans cette histoire, c’est nous: les smarts. Ceux qui ont la parole dans le grand public, qui décryptent le moindre changement backstage, font circuler les informations. Je pense pouvoir dire qu’on doit représenter dans les 10 à 20% de la population catchesque grand maximum, soit une minorité. Le Face nous exaspère: sa répétitivité nous donne l’impression d’avoir affaire à un vieux disque rayé, son comportement est cousu de fil blanc quand on recherche des choses plus complexes et attrayantes, son statut même s’oppose a toute innovation.

 

 


Enfin, à presque toute innovation.

 

 

Or je pense qu’à un moment, il faut voir les choses de plus haut. Il faut intégrer cela dans un tout. Les storylines nécessitent un Face, c’est une évidence. Notre gentil, par sa position prévisible et centrale, permet d’accrocher une histoire. Que ce soit la fierté de celui qui a un titre, la vengeance de l’autre qui a été trahi ou la motivation du troisième à récupérer une ceinture: le bon gars est l’amorce du scénario. Autour de lui, le Heel va broder quelque chose de tordu et imaginatif. Or l’un comme l’autre ne sont que des outils pour que le booker écrive une histoire. Le Face a une position de long terme et d’immobilisme, le Heel à l’opposé est sur du court terme et du renouvellement. Il est vrai que les catcheurs imposent leur personnalité dans les feuds. Mais comme on l’a vu précédemment, cette personnalité est totalement soumise à leur statut de Face ou de Heel. Bref, la réaction prévisible de dégoût des smarts par rapport aux héros n’est en fait qu’une réaction comparable à l’amour des marks pour ces mêmes Faces: dans les deux cas, on se base sur ses exigences primaires pour juger un catcheur. Sans chercher à pousser plus loin l’analyse. A mes yeux, on a ici un comportement de smark. Le vrai smart juge le Face dans le référentiel qui est le sien, sans chercher à le comparer à un Heel. Il doit faire preuve d’une grande tolérance par rapport à la contrainte au micro du gentil (il suffit de comparer le Punk avant et après son Heel turn : il n’est pas devenu génial en l’espace de quelques mois, ses contraintes ont juste changé). De même, l’argument de la comparaison des movesets et des combats répétitifs ne tient pas. Ces limites sont des vecteurs d’ambiance nécessaires, et il faut leur reconnaître ce bénéfice. Les Faces méritent à mes yeux une plus grande tolérance de la part de notre population. Et si ces concepts sont connus de tous ici, je pense qu’une piqûre de rappel ne fait jamais de mal.

 

 


Ultime avanie Heel: le Face Breaker.


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