Prison Break

« I’m clean now. »
Jeff Hardy

 


Don’t try this at home.

 

Plus Baudelairien que jamais, chaque jour un peu plus prisonnier de son personnage de héros romantique poursuivi comme il se doit par la pire des loose, Jeff Hardy s’est fait pécho chez lui par la police avec un joli paquet de painkillers, des stéroïdes et un peu de coke, direction la taule illico, et sans passer par la case départ. Sitôt les faits connus, les chiens se sont mis à aboyer. Et ça a parfois le don de nous agacer.

 

le dopage & le catch, passé à la décryptonite de la Rédac’


« I’m clean now. »
Jeff Hardy

 


Don’t try this at home.

 

Plus Baudelairien que jamais, chaque jour un peu plus prisonnier de son personnage de héros romantique poursuivi comme il se doit par la pire des loose, Jeff Hardy s’est fait pécho chez lui par la police avec un joli paquet de painkillers, des stéroïdes et un peu de coke, direction la taule illico, et sans passer par la case départ. Sitôt les faits connus, les chiens se sont mis à aboyer. Et ça a parfois le don de nous agacer.

 

le dopage & le catch, passé à la décryptonite de la Rédac’

 

Quelques jours seulement après son départ de la WWE, Jeff Hardy a donc été arrêté en possession d’une quantité de drogues assez conséquente, a connu les joies d’une geôle américaine et ne doit sa liberté qu’au paiement d’une caution de 125.000€. Quand même. Jeff risque gros car les charges retenues contre lui ne se limitent pas à la possession et l’usage de drogues et c’est de revente dont Jeff est soupçonné. Il est encore trop tôt pour savoir s’il est bel et bien coupable de deal ou si le matos trouvé chez lui n’était voué qu’à sa conso perso, mais sur le net, les critiques pleuvent déjà sur le plus jeune des Hardy Boyz et le ton se veut volontiers grinçant lorsqu’il s’agit d’évoquer le dopage au sens large au sein de la fédération de Vince McMahon. Une sorte de « tous pourris », à l’instar de ce que l’on peut entendre à propos du Tour de France ou du cyclisme en général, c’est ce que l’on lit çà et là. Et pour tout vous dire, condamner Jeff ou l’usage de painkillers et de stéroïdes dans le monde du catch sans autre forme de procès nous parait relever de la plus parfaite hypocrisie.

 


Sex, Drugs & Jeff Hardy

 

Il y a d’abord un terme, le « dopage », dont on voudrait délimiter le sens. Le dopage par définition améliore la performance sportive, s’apparente à de la triche puisque le produit administré permet de pédaler plus fort sans jamais se fatiguer, de courir ou de nager plus vite ou d’être plus résistant sur un terrain de foot, et surtout, est consommé dans le but de prendre l’avantage sur l’autre. Ce qui ne nous parait pas être applicable aux produits qui circulent dans les vestiaires de la WWE et surtout pas aux painkillers dont l’usage parait assez largement répandu dans le milieu. On a en effet du mal à associer la prise d’antidouleurs à du dopage, et on y reconnaitrait plutôt le domaine de la prescription médicale. Les stéroïdes ne nous paraissent pas non plus relever du doping à proprement parler et pour bien des corps qui évoluent à Raw ou SmackDown, personne n’est dupe. Pour ne prendre qu’un seul exemple, celui de Batista (c’est facile, oui on sait, mais c’est un bon exemple), il suffit d’avoir une vision tout juste correcte pour comprendre que ce mec doit être chargé à bloc. On pourrait dérouler la liste, mais on sait nos lecteurs assez avisés pour comprendre ce que l’on veut dire. Dès lors, les réactions outrées nous paraissent parfois amusantes, comme si certains ne découvraient l’existence pourtant criante des stéroïdes et des painkillers dans le corps de leurs superstars favorites.

 

Mais intéressons nous à la douleur, celle qui touche tout le monde dans le milieu. C’est que les catcheurs se font mal, parfois même très mal. Et c’est bien des painkillers que Jeff avait en quantité importante chez lui.

 

Lorsque CM Punk se prend un Chokeslam de folie et retombe sur le dos sur la table des commentateurs (la semaine dernière à la fin de SmackDown), il se fait mal. Lorsque Triple H se déchire le quadriceps de la jambe gauche en plein combat, qu’il termine son match tout de même et en subissant au passage le Walls of Jericho, il a très mal. Quand c’est le muscle de la jambe droite qui pète quelques années plus tard et qu’il continue encore, histoire de placer un Pedigree à Edge sur la table des mêmes commentateurs, il a hyper mal. Quand Finley et Mysterio finissent leur combat en saignant, on a la faiblesse de croire qu’eux aussi, ils se sont fait mal. Bref, on le sait tous, le catch, c’est douloureux. A chaque bump sur le ring et à fortiori en dehors, les corps souffrent, le dos, le cou, les jambes étant en particulier soumis à de bien rudes épreuves.

 


’tain t’as raison. J’en ai mal au crâne, je vais m’en reprendre un petit.

 

C’est ce postulat, celui qui veut qu’on se fait très très mal quand on est un employé de la WWE et qu’en plus on souffre à intervalles très réguliers vu les cadences infernales auxquelles sont soumis les catcheurs, c’est cette évidence qui nous parait devoir être le point de départ de la réflexion autour de la prise des painkillers.

 

Les catcheurs sont d’ailleurs ceux qui en parlent le mieux. Il suffit de lire quelques interviews de pros au hasard pour comprendre que les corps sont soumis à de violents et récurrents supplices. Triple H, évoquant ses deux graves blessures sur le ring disait que la douleur fait partie de leur métier et qu’il faut parfois porter les catcheurs sitôt passée la rampe d’accès aux coulisses. Edge avoue sans peine avoir parfois du mal à sortir de son lit le matin, perclus de douleurs qu’il est. Jericho, sur le ton de la plaisanterie, attribue la résistance de son corps à la douleur à une mutation génétique due à sa jeunesse canadienne, à boire de la vodka dans la rue en hiver par -35º. Et on parle là de catcheurs encore en activité au sein de la WWE. Les retraités se lâchent parfois un peu plus, comme ce fût le cas avec le regretté Andrew Martin aka Test qui portait un regard aussi critique que lucide sur son métier et sur les pratiques de la WWE. Il évoquait alors les pressions constantes que le management à la McMahon impose à ses catcheurs, cette menace permanente qui veut que tu fais taire tes douleurs pour monter sur le ring ou tu dégages. Et de citer des exemples (dont le sien) de catcheurs virés pendant une récupération de blessure de longue durée. Il citait également son médecin qui lui expliquait doctement que chaque bump équivalait peu ou prou à un choc contre une voiture roulant à 30kmh et lui demandait de faire le décomptes des chûtes encaissées par soirée, à multiplier par le nombre de shows par an. Dit comme ça, cela fait froid dans le dos.

 

Le plus inique dans toute l’histoire, c’est l’attitude de la WWE d’une part et celle des autorités US d’autre part. Les dernières s’évertuent à vouloir combattre la prise de painkillers au nom de la lutte contre le dopage et de la drogue, ce qui conduit la première à appliquer une Wellness Policy parfaitement imbécile et hypocrite mais qui peut se révéler bien pratique à l’occasion. Elle permet par exemple à Vince et son équipe d’écarter des catcheurs devenus indésirables et de donner un peu le change aux tenants de la lutte acharnée contre toute forme de dopage. C’est bon pour l’image, c’est bon pour les ventes. L’affaire Jeff Hardy, elle, est mauvaise pour le CA du groupe. Un DVD sur Hardy devait être édité pour célébrer son départ et booster les ventes de produits dérivés quand patatras ! ce con s’est fait embarqué. Du coup la sortie du DVD est repoussée sine die.

 

La Wellness Policy de la WWE

 

On en vient presque à regretter le temps où Vince pouvait organiser la circulation des cachetons au sein de sa fédération en toute tranquillité. C’est qu’en bannissant d’office toute prise d’antidouleurs, d’analgésiques utilisés par ailleurs, on prive les catcheurs d’un encadrement légal du traitement de leurs douleurs. Il ne s’agit pas de dire que la prise de ces pilules à base d’opium ou de morphine est le seul moyen de soigner les maux d’un catcheur pro mais simplement que leur prescription devrait pouvoir faire partie de l’arsenal médical de ces athlètes. En refusant aux catcheurs la possibilité de traiter convenablement et légalement leurs douleurs, on se prive d’un accompagnement médical qui permettrait de détecter les anomalies et de mettre un frein si nécessaire ; un frein à la prescription de certains médicaments, comme un frein à certaines prises de risque trop répétées sur le ring.

 


Oui, médicalisons la WWE

 

Au lien de cela, on laisse les mecs s’auto médicamenter et jouer avec leur vie avec des produits à la nocivité redoutable. Morphine, opium… le vicondin et le percocet et autres analgésiques sont des produits aux niveaux d’accoutumance et de dépendance très élevés et il n’est pas étonnant de voir bien des catcheurs devenir accrocs à leurs petites pilules. Ils se fournissent sur un circuit qui se contrefout de leur addiction, plutôt que de bénéficier d’un cadre légal et du contrôle médical qui va avec. Comment s’étonner de les voir devenir peu à peu accroc ?
Après tout, les catcheurs se soumettent aux violences catchesques de façon consciente et volontaire, arrêtons de les considérer comme des « sportifs » et sortons les des circuits de contrôle antidopage ! Il nous parait plus que temps de médicaliser bien plus fortement le quotidien des catcheurs plutôt que de continuer à fermer les yeux sur un système hypocrite qui pousse les stars à en faire chaque fois un peu plus sans que personne ne se préoccupe le moins de monde de l’état de leur corps, un système qui fait pousser à une partie des suiveurs quelques cris de vierges effarouchées qui nous paraissent aussi irrespectueux qu’indécents.

 

Ou alors, ayons l’honnêteté de ne plus demander à voir des swanton bomb de folie, des DDT sur des chaises, des suplex portée depuis la troisième corde direction une table, des réceptions hallucinantes sur la table des commentateurs. Mais en tout état de cause, vouloir les deux, un spectacle extrême mais propre, c’est un peu se foutre de la gueule du monde, fermer les yeux et refuser de voir le catch tel qu’il est : un divertissement violent et dangereux pour la santé de ses pratiquants

 


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