The way it is in WWE

[American History W]

 

En cas de chute l’un relève l’autre; mais tant pis pour l’isolé qui tombe, sans personne pour le relever! Ecclésiaste, IV, 10

 


Hell, no ! I don’t want to join that club !

 

Andrew Martin, aka Test, a été retrouvé mort le 13 mars 2009, dans son appartement de Tampa Bay (Floride). A 33 ans, il rejoint la liste des catcheurs décédés beaucoup trop tôt, victimes de leur addiction pour le catch et la célébrité, victimes d’un système aussi inique qu’hypocrite qui conduit bon nombre de pros de la WWE à jouer avec leur vie et à ingurgiter pain killers et autres stéroïdes.


[American History W]

 

En cas de chute l’un relève l’autre; mais tant pis pour l’isolé qui tombe, sans personne pour le relever! Ecclésiaste, IV, 10

 


Hell, no ! I don’t want to join that club !

 

Andrew Martin, aka Test, a été retrouvé mort le 13 mars 2009, dans son appartement de Tampa Bay (Floride). A 33 ans, il rejoint la liste des catcheurs décédés beaucoup trop tôt, victimes de leur addiction pour le catch et la célébrité, victimes d’un système aussi inique qu’hypocrite qui conduit bon nombre de pros de la WWE à jouer avec leur vie et à ingurgiter pain killers et autres stéroïdes.

 

En effet, même si les résultats de l’autopsie d’Andrew ne sont pas encore officiellement connus à l’heure où nous écrivons ces quelques lignes (ils ne devraient l’être que dans quelques semaines), les premières fuites des experts qui se sont penchés sur le corps du défunt ne laissent guère de place aux doutes : Test est certainement mort d’overdose et son corps portait les stigmates d’une précédente surdose de came.

 

Chronique d’une mort annoncée

 

Une fois n’est pas coutume, lorsque nous nous sommes penchés sur la carrière et la vie personnelle d’Andrew Martin, en relisant ses interviews ou celles de ses proches il nous est apparu difficile d’écrire pour les Cahiers du Catch une énième bio rigolote truffée de vidéos en tout genre, un énième tissu de conneries dans lequel nous aurions loué quel fantastique catcheur il était. Bullshit. Test était un catcheur somme toute assez médiocre et dont les faibles capacités in the ring étaient devenues la source de grasses plaisanteries de la part de Mick Foley. Mais Andrew Martin était surtout un mec qui paraissait sincère, lucide et qui a sacrifié sa santé dans l’espoir de devenir une vraie superstar du catch, ce qu’il n’est jamais devenu. Rédiger une nécro privilégiant le kayfabe ou énumérant ses combats un-à-un ne nous semblait pas en mesure de lui rendre hommage tant son destin nous parait révélateur de ce que le monde de la WWE et du catch pro en général a de plus pourri.

 

Jusqu’ici tout va bien

 

Né à Whitby, au Canada, le début de la carrière d’Andrew Martin s’écrit d’abord sur un mode « conte de fées ». A la fin des années 90 alors qu’il n’est rien ni personne, il est découvert par hasard dans un restaurant par Bret Hart, alors superstar de la WWF, qui convainc le molosse de 1,96 m pour 129 kg de quitter son job pour rejoindre son école où il suivra une formation de 8 mois avec quelques autres canadiens dont Edge, Glenn Kulka et Christian. Pendant ces 8 mois, il apprendra les bases de son futur métier sous la houlette de Hart et de Leo Burke, les faiseurs de talent de l’époque.

 

A la suite de cette première formation, il rejoint le « WWF Funking Dojo », le camp d’entrainement intensif des rookies de la WWF où il sera encadré par Dory Funk Jr. et Tom Prichards, les formateurs attitrés du training camp de la WWF. En parallèle, il débute sa carrière de catcheur au sein de la fédération indépendante canadienne de Leo Burke où il devient « heavyheight champion » à l’issue d’un combat qui sera le dernier de cette fédé.

 


Leçon de biologie : Andrew Martin sans stéroïdes.

 

Sa carrière au sein de la WWF débute le 25 octobre 1998. Il incarne alors un garde du corps du groupe Mötley Crüe chargé de repousser les assauts de pseudos fans durant la performance live des chevelus hard rockers, avant de rejoindre dès le mois de décembre The Corporation, ce groupe de catcheurs heel créé par Vince McMahon pour défendre ses intérêts et ceux de son clan.
Il quitte la Corporation en 1999, l’année de ses débuts dans les main events de la WWF, comme le Royal Rumble 99 ou la quinzième édition du Wrestlemania où, associé à D’Lo Brown, il affrontera les champions par équipe Jeff Jarrett et Owen Hart.
Devenu « face », Test bénéficie d’un gros push lorsqu’il devient, à l’écran, le fiancé de Stephanie McMahon. Cette storyline l’opposera à Shane McMahon qui désapprouve alors le choix de sa petite sœur, la feud entre les deux hommes connaissant son issue lors du Summerslam 99 à l’occasion d’un « Love her or leave her match » remporté par Test.
Après l’épisode du mariage avorté entre Stephanie et Test (HHH révélant avoir drogué Stephanie et s’être marié avec elle comme nous en parlions dans notre portrait de la Billion Dollars Princess), celui-ci remporte le titre « hardcore » en décembre 2000, titre qu’il conservera jusqu’en février 2001 avant de s’associer avec Albert pour former la T&A managée par Trish. Il remporte ensuite le titre européen de la WWF lors d’un combat contre William Regal, titre qu’il perd lors du Wrestlemania 17, contre Eddie Guerrero.

 

Après avoir fait parti des Un-Americans, en compagnie de Lance Storm, Christian et William Regal, 2002 sera l’année d’un nouveau push individuel pour Andrew Martin lorsque Stacy Keibler (sa petite amie de la vraie vie) devient sa … petite amie à l’écran et surtout sa consultante « look ». C’est elle qui le poussera à changer de coiffure et à laisser tomber ses pantalons en cuir au profit des petits shorts moulants qui font souvent le bonheur de nos lectrices. Bon, la réalité est tout autre puisque c’est en fait la creative team qui avait décidé du changement de look d’Andrew, peu convaincue qu’elle était par le personnage de Test. On doit également à Stacy le surnom de « Testicles » dont étaient affublés les fans de Test. Pour les moins anglophones d’entre vous, « testicles » signifie « testicules ». Si si, ils ont osé.
Cette période (2002-2003) le verra également s’opposer à Jericho, qui s’en était pris à Stacy par erreur (un coup de chaise est vite arrivé). Leur feud culminera lors du Royal Rumble 2003 durant lequel Test éliminera Jericho avant de se faire sortir du ring par Batista.
Test fera ensuite équipe avec Scott Steiner mais le duo ne fera pas long feu pour cause de triangle amoureux entre Test, Scott et Stacy. La fin de la storyline verra les deux hommes se réconcilier et reformer la Tag Team, mais sans succès probant sur le ring. Sa carrière patine (il perd 3 fois de suite contre Stevie Richards), et pour couronner le tout, il se blesse sérieusement au cou. L’opération s’impose. Elle entrainera la chute (inéluctable ?) d’Andrew Martin.

 


Leçon de biologie numéro 2: les effets de la prise de stéroïdes.

 

« Je me demande aujourd’hui qui sera le prochain… »

 

Blessé et convalescent, Andrew Martin débute sa lente descente aux enfers tout en devenant extrêmement lucide sur les dessous de son métier. Il est assez émouvant de relire ce qu’Andrew avait écrit à l’occasion de la mort de d’Eddie Guerrero : « Je me demande aujourd’hui qui sera le prochain… Qui sera le prochain à mourir ? ». Andrew déchante alors sérieusement et balance ce qu’il a sur le cœur, notamment l’usage des fameux « pain killers » (antidouleurs – analgésiques – le plus souvent à base de morphine, donc hautement addictifs), nécessaires pour qui veut endurer les douleurs engendrées par les projections subies sur le ring, 5 jours sur 7, 52 semaines par an ou presque. Son médecin personnel, alors que Test se plaignait de douleurs persistantes, avait comparé chaque chute violente sur un ring à un choc avec une voiture roulant peu ou prou à 30 km/h (20 miles ph) et lui avait demandé de faire le décompte quotidien de toutes ses chutes et de multiplier le résultat obtenu par le nombre de jours travaillés par an… Et Test de rappeler que les big boss étaient parfaitement conscients de l’addiction aux pain killers de certains de leurs catcheurs, parfaitement au fait de la nécessité de les envoyer en cure mais que le « show must go on » finissait toujours par triompher à moins que cela ne soit le « money talk ». Difficile en effet lorsqu’on est à la tête de la WWE de se passer de ses meilleurs produits.

 

Il faut dire que la WWE ne fera pas dans le détail. Après l’opération de Test et alors que celui-ci s’inquiète pour son job, les boss de la WWE lui répondent le plus sérieusement du monde « hey, ne t’en fais pas, on ne vire pas nos catcheurs blessés comme ça ! » Deux mois plus tard, Andrew se fait pourtant virer sans ménagement. Comme il le dénoncera lui-même, il a quelque chose d’extrêmement indécent dans ce processus qui consiste à dégager son employé dès lors que l’on ne peut plus faire d’argent sur son dos. On comprend mieux à présent pourquoi toutes les superstars de la WWE n’ont d’autres choix que se shooter aux pain killers. Il est plus simple d’avaler du Vicodin (vous savez, les petits cachets auxquels le Dr. House est accroc dans la série du même nom) ou du Percocet (analgésique synthétisé avec un dérivé d’opium et dont le potentiel de dépendance est très élevé) que d’avouer ses douleurs et risquer une mise à écart, progressive ou brutale.
Le choix est cornélien : accepter son addiction aux pain killers et fermer sa gueule, ou perdre son job. A la lumière de ce que nous venons d’évoquer, la politique « antidopage » de la WWE (la fameuse Wellness policy) apparait comme une vaste farce, aussi hypocrite qu’indécente.

 

Andrew était conscient que sa passion pour la célébrité était en train de le broyer. Répétons-le, c’était quelqu’un de très lucide; et quoi de plus pathétique que d’entendre aujourd’hui le propre père d’Andrew affirmer que son fils avait parfaitement conscience que sa passion le poussait lentement à perte, lui qui avait coutume de dire qu’il ne vivrait jamais aussi longtemps que son papa…

 

Back dans les bacs

 

Dans ce contexte de lucidité totale sur les affres de son métier, il est étonnant (ou pas) de voir Andrew effectuer son comeback au sein de la ECW, division de la WWE. Si ce retour sera de courte durée (juillet 2006 – février 2007), il éclaire bien de notre point de vue le côté addictif de la vie d’une « superstar » du catch. Andrew est accroc à la célébrité comme il est accroc aux pain killers. En ce sens, même si la WWE — avec son hypocrisie face au dopage et le traitement parfois inhumain auquel elle ses employés — est un coupable aisément identifiable, on est bien obligés de souligner également la responsabilité d’Andrew dans le tragique destin qui fut le sien, lui qui était pourtant de plus en plus affecté par les décès prématurés de ses collègues et qui ne se faisait guère d’illusions sur son espérance de vie.
Son retour est donc de courte durée et il se fait de nouveau suspendre (30 jours) par la WWE pour manquement à la fameuse « wellness policy » de la fédération avant d’être « libéré de son contrat ». Il semble cependant que la brièveté de ce retour avorté soit également le fait d’Andrew si l’on en croit ce qu’il déclarera sur son myspace, à savoir qu’il a quitté la ECW car il ne se reconnaissait plus dans ses pratiques.
Il décrira d’ailleurs cette année 2007 comme son « Annus horribilis », la pire de toute son existence puisque l’année de ses 32 ans, il se rendra à pas moins de 8 enterrements de collègues catcheurs… Comme il le remarquera alors, on ne devrait pas se rendre à 8 enterrements dans une même année alors qu’on a tout juste 32 ans. Et Andrew Martin d’ajouter lors de la même interview : « Cela m’a amené à me demander : Qu’est ce que je suis en train de faire ? Est-ce que je veux rejoindre ce club ? Putain, non, je n’ai pas envie de rejoindre ce club ». Pourtant, après son renvoi de la WWE, on reverra Test sur les rings de la TNA et de quelques fédérations indépendantes. Il changera même son nom pour devenir officiellement Andrew Test Martin, « Test » étant une marque déposée appartenant à la WWE. Célébrité quand tu nous tiens…

 


La mort rodait déjà, sous les traits d’un vilain barbu malpoli.

 

This is the end, my only friend

 

A la suite de la rupture de son contrat WWE, Andrew Martin sera arrêté deux fois pour conduite en état d’ivresse (en septembre 2007 et avril 2008) et sa petite amie, Barbie Blank (plus connue sous le nom de Kelly Kelly) le quittera au mois de mars 2007, reconnaissant qu’il était affecté par le fait de ne plus faire partie de la WWE alors qu’elle-même parcourait les USA d’un show à l’autre.
Peu de temps après la deuxième arrestation d’Andrew Martin, Kevin Nash contacte la WWE. Andrew a besoin d’aide et connait de sérieux de dépendance aux pain killers. La WWE reprend contact avec Andrew qui accepte de suivre une cure de désintoxication, cure que la compagnie de Vince McMahon financera elle-même. Remords ou simple espoir de récupérer un catcheur au potentiel commercial incertain mais après tout, sait-on jamais, ça peut toujours servir ? Soyons francs, nous penchons plus pour la seconde hypothèse, la WWE n’ayant pas pour habitude de faire preuve de philanthropie.
Andrew va au bout de son programme de désintox et sera même décrit comme un patient modèle. Pour éviter la rechute, il entame le programme des AA, non pas pour soigner un problème d’alcool mais bien pour se prémunir de replonger dans la morphine. Et il se préparait à donner une nouvelle orientation à sa vie professionnelle et personnelle, et de devenir Personal Trainer (prof de gym particulier en fait, mais en anglais, ça pète bien). Son cours devait commencer en avril 2009. La WWE l’appelait toutes les semaines pour maintenir le contact et s’assurer qu’il récupérait bien. Le vendredi 13 mars, jour du contact prévu entre Andrew et la WWE, personne ne répond à son domicile. Et pour cause, il vient de claquer d’une OD, le nez dans sa pizza.

 

Un autre catch est-il possible ?

 

L’hypocrisie ambiante que l’on évoque ici conduit irrémédiablement à nous interroger sur la notre. Qui peut croire une seule seconde qu’un corps humain puisse sortir indemne du traitement infligé à tout catcheur lambda ? Qui peut imaginer que la scénarisation d’un affrontement WWE occulte les coups de chaise, les acrobaties depuis la troisième corde, les lourdes réceptions sur le dos lors des violentes projections sur le ring sans même parler des chutes sur la table des annonceurs ? Avec un seul gramme d’intelligence, on sait tous parfaitement qu’il est impossible de supporter tout cela sans une capacité « hors du commun » à accepter la douleur. De la même façon, un œil et un seul suffit à comprendre que les stéroïdes côtoient corn-flakes et pain grillé au petit déjeuner, et un œil un peu plus avisé comprendra également que ces addictions là en appellent d’autres et que cocaïne et excès d’alcool sont monnaie courante dans le milieu du catch professionnel. On osera même ici un rapprochement avec l’hypocrisie qui entoure certains sports très médiatiques. Il nous faut admettre notre propre plaisir finalement assez malsain à voir des Jeff Hardy réaliser des Swanton bombs invraisemblables, notre excitation à voir des Marco Pantani grimper les cols à une vitesse délirante, ou des sprinters battre record sur record sur le 100m. Il nous faut l’admettre comme il nous faut aussi garder en mémoire les sacrifices qu’impose une carrière de catcheur. C’est une façon de rendre hommage à un mec de 33 ans, sûrement un peu plus fragile que les autres, mort d’une OD dans son appart de Tampa Bay avant d’avoir eu le temps de finir sa pizza et son soda.
Un autre catch est-il possible ?

 

(Merci à Priceless pour ses informations et sa participation à l’élaboration de l’article)


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