Drôle de draft

Il faut que tout change pour que rien ne change.
Le comte de Lampedusa, Le Guépard

 

On l’avait oublié depuis plusieurs semaines, puisque les stars passaient d’une division à l’autre encore plus vite que Vickie passait du lit d’Edge à celui du Big Show, mais la WWE est toujours scindée en trois branches. La draft de ce lundi a remis un peu d’ordre dans ce gros bordel, même si la face du monde n’en sera pas bouleversée. Douze mouvements ont été entérinés, et il en reste encore quelques-uns pour ce mercredi. On peut distinguer trois types de transferts : les logiques, les absurdes, et ceux dont on se fout un peu.

 

 


Quelle énorme surprise! C’est comme si Eric Besson devenait membre de l’UMP!

 

Analyse de la Draft du 13 avril 2009


Il faut que tout change pour que rien ne change.
Le comte de Lampedusa, Le Guépard

 

On l’avait oublié depuis plusieurs semaines, puisque les stars passaient d’une division à l’autre encore plus vite que Vickie passait du lit d’Edge à celui du Big Show, mais la WWE est toujours scindée en trois branches. La draft de ce lundi a remis un peu d’ordre dans ce gros bordel, même si la face du monde n’en sera pas bouleversée. Douze mouvements ont été entérinés, et il en reste encore quelques-uns pour ce mercredi. On peut distinguer trois types de transferts : les logiques, les absurdes, et ceux dont on se fout un peu.

 

 


Quelle énorme surprise! C’est comme si Eric Besson devenait membre de l’UMP!

 

Analyse de la Draft du 13 avril 2009

 

Un mécanisme incompréhensible

 

Tout d’abord, quelques mots du fonctionnement de la draft. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la creative team ne s’est pas foulée avec le concept. On enchaîne les combats entre représentants de diverses divisions, les vainqueurs obtenant un catcheur supplémentaire pour leur branche. Celui-ci est alors tiré au sort. La question qui naît immédiatement est : pour quelle obscure raison un catcheur de Raw, par exemple, va-t-il se casser le cul pour gagner un match sachant que ça va lui ramener un concurrent supplémentaire, alors qu’en cas de défaite, il perdra probablement l’un de ses adversaires réguliers? Si encore on peut imaginer que les Faces, au cœur pur et aux grands idéaux, refusent l’idée même de perdre volontairement un combat et souhaitent de toutes leurs forces renforcer leur show en attirant de nouveaux compétiteurs, on est en revanche surpris de voir les Heels se conduire de la même manière.

 

Prenons la bataille royale qui a opposé 15 catcheurs, 5 par division, avec deux tours de draft en jeu pour la division du vainqueur. Pourquoi Edge, supposément un grand calculateur retors et lâche, s’est-il échiné (pour la seconde année consécutive) à remporter ce combat, sachant qu’il allait récupérer pour la peine deux adversaires supplémentaires pour son Smackdown? N’aurait-il pas été bien plus cohérent qu’il perde volontairement, afin de se débarrasser de deux adversaires réguliers, ce qui lui aurait permis d’augmenter ses chances de régner sur le vendredi soir?

 

 


Putain, j’y avais pas pensé! Je suis trop con! Je vais faire un spear dans un mur pour la peine!

 

 

Il aurait pourtant été facile de trouver une solution. On aurait pu promettre un gros bonus en cas de victoire aux catcheurs engagés dans ces matchs, par exemple leur offrir une qualification pour quelque tournoi pour un titre de champion du monde; on aurait pu, aussi, leur proposer de choisir eux-mêmes les catcheurs qu’ils souhaitent attirer dans leur division. Cette dernière possibilité aurait été jouissive : un Face pourrait ramener un autre Face afin de s’allier avec lui dans les batailles à venir, un Heel pourrait faire venir un autre Heel dans le même but, un gars désireux de prolonger sa feud avec un catcheur d’une autre division aurait pu le ramener dans ses filets, etc. De nombreuses storylines auraient pu être générées de cette manière. Imaginons un instant : Shelton Benjamin (Smackdown) gagne son combat et réclame l’arrivée dans son show de Mark Henry (ECW) sur le thème « Toi et moi on va faire une équipe tag team du feu de Dieu, gros! »; l’Undertaker (Smackdown) gagne également et exige l’arrivée de Chris Jericho, pour lui apprendre à respecter les légendes; Mike Knox (Raw) gagne de son côté et obtient… Melina, de Smackdown, parce qu’il la trouve bonnasse. Kane (Raw) bat Matt Hardy (Smackdown)… et demande que son adversaire du soir vienne le rejoindre à Raw, expliquant qu’il souhaite ainsi mettre fin à sa feud fratricide avec Jeff, parce que les feuds fratricides, Kane connaît et rien de bon n’en sort. Et ainsi de suite. Des histoires naissent instantanément, certains catcheurs se montrant ravis d’être draftés et éprouvant de la reconnaissance pour celui à qui ils doivent leur transfert, d’autres rageant parce que ce move ne leur convient pas, et démarrant directement une feud avec celui qui en est responsable, etc.

 

 


— Et toi Finlay? Tu voudrais que la draft t’envoie où? Raw, Smackdown, rester à l’ECW?
— Moi, c’est les Boston Celtics ou rien, mate!

 

 

Au lieu de quoi, on a eu un show fondé sur un présupposé absurde: les catcheurs vont de toute façon se battre afin de récupérer plein de nouveaux concurrents. Ah ben oui, Kane devait être ravi, après avoir squashé Kendrick, de se retrouver avec le Big Bad Ugly Stinking Show dans les pattes à Raw… Dernier grognement: par quel miracle les catcheurs draftés ont-ils pu apparaître sur la rampe d’accès au ring dans la seconde après l’annonce de la draft, prétendument organisée selon un tirage au sort complètement aléatoire? Damn, on n’a pas tous cinq ans et un masque de Rey Mysterio sur la tête! McOcee, par exemple, a 58 ans et un masque de beauté, avec des rondelles de concombre sur les yeux.

 

 

Quoi qu’il en soit, tout ça a débouché sur douze mouvements, qu’on décompose donc comme suit:

 

 

Les mouvements logiques

 

— Triple H arrivant à Raw entérine un fait accompli, comme un vieux couple qui vit ensemble depuis des lustres décidant de se marier. Voilà des semaines qu’il ne passait qu’épisodiquement à Smackdown, auquel il était pourtant affilié. A présent, tous les belligérants de la feud Orton / HHH sont enfin réunis sous la même bannière (à l’exception de Shane, toujours officiellement non-catcheur — ce qui se comprend quand on le voit essayer de donner des coups, d’ailleurs).

 

— Voir Jericho faire le mouvement inverse à Triple H est cohérent. L’année dernière, à Raw, Jericho a feudé avec à peu près tout ce que la division compte de Faces: Cena, Michaels, Batista… Bref, à Raw, il a un peu fait le tour, et il est temps qu’il aille se foutre de la gueule de ceux de Smackdown. On se réjouit d’avance de le voir clasher Jeff Hardy — y a matière — et on gage qu’il le fera mieux que Matt, en dépit des récents progrès de ce dernier au micro.

 

— La situation est différente pour CM Punk, qui accompagnera Jericho sur la route qui mène du lundi au vendredi (mais il ne le laissera probablement pas porter sa précieuse mallette). Avec l’arrivée de HHH, c’était embouteillé pour lui à Raw. Smackdown lui offrira plus de temps d’antenne. Seul problème à court terme: puisque avec le transfert de Triple H, les deux titres sont à présent à Raw, Punk aura l’air un peu con ces prochaines semaines à secouer sa mallette à Smackdown…

 

— Enfin, Kozlov est logiquement rétrogradé à l’ECW, après avoir échoué à se faire une place au soleil à Smackdown. La déchéance du Russe aura été rapide: fin 2008, il était un monster heel inarrêtable qui massacrait des midcarders et passait son temps à DEMAND BETTER COMPETITION; début 2009, il est rapidement éjecté du Royal Rumble, subit une première défaite dans l’Elimination Chamber à No Way Out, semble se relancer par une victoire clean sur le Taker avant de chuter définitivement puisqu’il perd clean contre Michaels, le Taker et HHH avant de ne participer à Wrestlemania qu’en tant que lumberjack (soit le même statut que Jimmy Wang Yang). Ouch. A l’ECW, la concurrence sera moindre, ça manque de big men et il pourra polir un peu son style, ça ne lui fera pas de mal.

 

 


Heu, à la réflexion, I demand worse competition.

 

 

 

Les mouvements absurdes

 

— On s’avance peut-être un peu: peut-être est-il encore possible de voir Vickie Guerrero et le Big Show prolonger leur « relation » à Raw, ce qui nous éviterait de voir une storyline enterrée sans autre forme de procès. Mais le départ du Show de Smackdown nous semble surtout destiné à l’éloigner d’Edge, appelé à d’autres rivalités. On a donc eu une longue construction du triangle Show / Edge / Vickie qui aurait dû culminer à Mania mais qui s’y est éteinte d’un seul coup, et ce transfert semble définitivement clore le chapitre. Et vu l’engorgement de stars à Raw, le Show va probablement être relégué en midcard et ne plus servir à rien, un peu comme le faisait Kane.

 

— Vu qu’on regrette la manière dont Kane était employé à Raw, on devrait se réjouir de son arrivée à Smackdown… mais on redoute avant tout qu’il s’engage dans une énième feud avec le Taker qui sentira le réchauffé bien rance. De plus, en tant qu’unique colosse de Smackdown, Kane sera probablement voué à jobber semaine après semaine face à divers nabots, et ça, on en a trop bouffé à Raw pendant un an pour continuer de l’admettre un an de plus…

 

— Autre mouvement pour le moins étonnant: celui de Matt Hardy. Après sa trahison de Jeff au Royal Rumble, il avait « demandé et obtenu » d’aller à Smackdown (il était alors à l’ECW) pour rejoindre son frère honni. Et voilà que, alors que leur feud bat son plein et trouve enfin son rythme de croisière (cf. leur excellente confrontation de vendredi dernier), Matt part à Raw. D’une, leur feud ne va sans doute pas s’éteindre toute seule comme ça, et ils devraient au moins remettre ça à Backlash, ce qui signifie que d’ici là ils vont continuer à apparaître d’un show à l’autre — alors que justement tout le sens de la draft aurait dû être de mettre fin à cette anarchie. De deux, Matt prend à Raw la place de heel de gabarit moyen dévolue jusqu’ici à Jericho, et on craint le pire quand on l’imagine passer de longues minutes micro en main dans le ring à essayer de casser Cena, HHH et compagnie…

 

— Enfin, le pire du pire est sans doute le départ du Miz à Raw. On était prêt à voir la fin de l’équipe qu’il formait avec Morrison, on le souhaitait même… mais à condition que ce soit le, hum, Shaman of Sexy, qui monte d’un cran et devienne le nouveau Shawn Michaels. Le Miz, bien qu’il ait progressé ces derniers temps, ne fera rien d’intéressant à Raw, tandis que Morrison patientera encore à l’ECW (espérons que la draft complémentaire de ce jour vienne corriger ça!). En attendant, on a vécu un beau moment d’amitié virile quand les deux compères, apprenant le transfert du Miz, se sont tombés dans les bras: oui, les heels aussi peuvent avoir des sentiments humains, merci de l’adme… ah ben merde, voilà que Miz s’en prend à Morrison et l’étale avec sa prise de finition. Ca n’aura duré qu’une seconde, mais cet instant a fait naître pour l’éternité un grand questionnement dans les petites têtes blondes des premiers rangs: et si, finalement, le Bien et le Mal n’étaient pas si nettement différenciés que ça? Ca tombe bien, d’ici dix ans ils auront le droit de vote.

 

 


— Je ne veux pas te perdre, John, tu es tout pour moi!
— Je sais. Moi aussi, je suis tout pour moi.

 

 

Les mouvements dont on se fout un peu

 

— Melina et Maryse ont échangé leurs places, mais le moment attendu du catch féminin est l’annonce que Khali va rouler une pelle à Santino, ce qui en dit long sur le coma dans lequel la WWE a plongé sa division féminine. On a un peu de mal à s’enthousiasmer pour des mouvements qui ressemblent à ceux d’une poule après qu’on lui a coupé la tête… Ce qu’il faut au catch féminin, ce n’est pas un réajustement, c’est une renaissance.

 

— De même, les porteurs de titres secondaires, Mysterio et MVP, ont switché, mais aussi longtemps que ces ceintures seront traitées comme des accessoires sans intérêt, on ne va pas spécialement s’intéresser à leur sort.

 

 

 

Vu comment les sourcils de Santino repoussent chaque fois qu’il les rase pour incarner Santina, imaginez l’état de son pubis. Trop tard, maintenant vous êtes en train d’y penser.

 

 

Au final, on a quand même eu un show pas désagréable avec quelques combats sympas, au premier rang desquels Cena-Swagger et Bourne-Mysterio, et on constate que l’ECW ne s’en est pas trop mal sortie en gardant toutes ses stars et en gagnant Kozlov; que Smackdown sera très divertissant avec Edge et Jericho pour la parlote, Mysterio pour les galipettes et Kane pour les grimaces; et que Raw a assis encore plus son statut de vaisseau amiral avec le débarquement de Triple H. A moyen terme, on se dit que puisque les deux grands titres sont à Raw, et que Smackdown devrait en récupérer un, Edge, unique représentant de Smackdown concerné par les combats pour des titres à Backlash, a de très bonnes chances de reprendre sa ceinture à Cena. Tout cela bien sûr sous réserve des ajustements apportés aujourd’hui.

 

 


Jack Swagger a bien de la chance: il ne peut pas voir Cena. Nous, si.

 

 

 

Et pendant ce temps-là…

 

Et pendant ce temps-là, le feud Orton / reste du monde continue, avec un épisode finalement assez agréable: le match à handicap à deux contre trois opposant les Priceless à leurs trois adversaires de Backlash (Shane, HHH et Batista). Ce combat, qui avait tout pour faire un énorme squash, a été rendu très attrayant par une fine stipulation: si les trois Faces gagnent, celui qui effectue le tombé obtient un match un contre un avec Orton la semaine suivante. Et comme tous trois ont de bonnes raisons pour vouloir en découdre avec la huitième merveille du monde, ils se sont échinés à s’empêcher les uns les autres de faire le tombé sur Rhodes et DiBiase.

 

 


— Alors je te propose un truc: tu tiens Orton, et moi je lui griffe le visage et je lui tire les cheveux, d’accord?

 

 

Il aurait été plus cohérent d’aller au bout de l’idée et d’offrir, du coup, la victoire, aux deux sbires d’Orton, mais il ne fallait pas trop en demander à Triple H…

 


Je me suis déjà montré bien assez magnanime en leur laissant la vie sauve.

 

 

Quoi qu’il en soit, on se réjouit de voir une feud dans laquelle les méchants sont soudés comme des mousquetaires alors que les gentils sont aussi disciplinés qu’une bande de chiens enragés. Encore une brèche ouverte dans le manichéisme propre aux storylines habituelles… et peut-être le moyen pour Orton de récupérer enfin la ceinture à Backlash en profitant des embrouilles internes à l’équipe adverse. C’est en tout cas pour un tel scénario que nous allons de ce pas sacrifier un bœuf à Jupiter.

 

 

PS: a y est, on sait où Shane McMahon a appris à se battre: au Fight like a girl club!


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